Aviateurs alliés rassemblés en camps de Comète


N° 063
Section D
IndividuNom/Matricule : Charles Benson "Chuck" EARNHART / O-2045074
Naissance/Décès : le 15 mai 1918 à Rock Hill, Caroline du Sud / le 01 septembre 2004 à Hohenwald, Tennessee
Adresse : London Hall, (Apts), Washington D.C.
Unité : USAAF 356 Fighter Group 359 Fighter Squadron
Grade : 1 Lt
Fonction : pilote
Zone d'atterrissage : Zemst-Laar, Brabant flamand, Belgique
Earnhart sur ses faux papiers EVA
AvionType : Republic P-47D-21-RE Thunderbolt
N° série : 42-25508
Immatriculation/Nom : OC-O
Abattu le : 28 juin 1944 lors d’une mission d’escorte de B-17
Localisation : Zemst-Laar, Brabant flamand, Belgique
Thunderbolt P47
Action de ComèteRéception : EVA
Interrogatoire : EVA
Hébergeurs : J. DE ROECK, DE BLEU, HAESENDONCK, BIENFAIT
Guides nationaux :
Guide international :
Durée : 2 mois ½
Camps : Bellevaux/Acremont
Informations complémentaires : Rapport de perte d’équipage MACR 6551.
Charles Earnhart fut parmi quelques centaines de jeunes américains qui s’engagèrent dans la Royal Canadian Air Force à la fin de 1939. Il effectua plusieurs missions sur Spitfire dans la RCAF et fut crédité de 4 avions ennemis abattus, 1 endommagé. Après l’entrée en guerre des Etats-Unis et lorsque l’US Army Air Force arriva en Angleterre, il rejoignit l’aviation de son pays et suivit un entraînement sur P-47 Thunderbolt puis fut affecté au 356ème Fighter Group à Martlesham Heath.
Lors de cette mission du 28 juin 1944 (qui, après plus de 120 missions, fut sa dernière, il y était volontaire), et le retour des bombardiers B-17 au retour de Paris, son escadrille s’enquit de cibles à mitrailler en Belgique. Après avoir mitraillé un train circulant au Nord de Bruxelles, Earnhart et un autre pilote aperçoivent deux voitures d’Etat-Major allemandes sur la grandroute reliant Bruxelles à Anvers et descendent pour les mitrailler.
Earnhart se prépare à viser la deuxième auto lorsque son moteur a des ratés. Il effectue quelques opérations de correction jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il y a un trou dans sa carlingue et que du sang coule de son index droit, le gant à cet endroit ayant été arraché. Il comprend qu’un éclat de Flak doit être passé très près de son visage. Par radio, il fait part de ses ennuis au chef d’escadrille ajoutant qu’il pense devoir faire un atterrissage forcé.
Il atterrit dans un champ à 20m d’une ferme et, reprenant ses esprits, s’extirpe de son avion et s’en éloigne rapidement, après avoir sans succès tenté de le détruire avec le système de bombe incendiaire à bord. Il faisait très beau et des jeunes gens travaillant dans les champs à proximité ont accouru vers l'avion écrasé. Le pilote aperçoit dans la cour de la ferme une douzaine de gens qui l’observent. Il s’adresse à eux dans son mauvais français ; une dame âgée s’approche de lui et l’étreint en pleurant ; il montre à un jeune homme les phrases adéquates sur son lexique d’évasion « Je suis Américain », « Pouvez-vous m’aider ? ». Le garçon lui montre alors un costume placé en travers d’une brouette et il comprend qu’on l’attendait. Il signale qu’il préfèrerait des vêtements d’ouvrier comme en portent la plupart des gens autour de lui et on lui en donne. Un des hommes, GEORGES, envoie un garçon refaire en sens inverse le chemin parcouru par Earnhart dans le champ et loin au-delà de l’épave de l’avion pour y laisser à intervalles les bottes, le gilet de sauvetage, les gants de l’aviateur, de manière à brouiller les pistes pour des poursuivants allemands qui ne tarderaient pas à arriver dans le coin. Soucieux de s’éloigner rapidement, le pilote est emmené par un garçon d’environ quatorze ans, qui lui donne une faux qu’Earnhart porte alors à l’épaule en se dirigeant vers le village de Zemst-Laar tout proche. Il se rend compte que du sang coule du côté droit de sa tête et que son bras gauche est endolori. Avant d’arriver au village, un policier les croise à vélo, mais se contente d’un sourire et d’un petit salut. De nombreux villageois l’observent alors qu’il pénètre dans la ferme de la famille DE BLEU. La fermière applique un bandage sur sa tête et on le cache dans un grenier pendant deux heures. De sa cachette, il peut voir des soldats allemands à sa recherche.
Alphonse DE BLEU, le cadet des fils du fermier, vient le chercher pour qu’il puisse se restaurer un peu au rez-de-chaussée avant de partir. Le pilote suit alors Alphonse via une porte à l’arrière de la ferme et ils commencent à marcher. Après un kilomètre, ils s’arrêtent et à l’aide d’un lexique français-anglais, Alphonse et lui entament une conversation d’environ deux heures. Arrive alors la sœur d’Alphonse qui annonce que les Allemands sont partis et qu’ils peuvent revenir à la ferme. Après un copieux repas, Alphonse lui montre l’endroit du grenier où il dormira cette nuit-là.
Le lendemain, alors qu’il aide aux travaux des champs, il aperçoit un soldat allemand montant la garde près de son avion qu'il voulait revoir. Il fait comprendre à Alphonse qu’il souhaite poursuivre sa route et entrer en contact avec une organisation d’évasion. Le garçon n’en connaît pas, mais lui parle d’une dame anglaise qui peut-être pourrait l’aider. Dans l’après-midi, Earnhart revoit GEORGES, habitant une ferme en face, qui lui dit que les Allemands sont encore activement à sa recherche. GEORGES, doté d'une bonne intelligence, d'un esprit curieux et espiègle établit facilement un dialogue en peu de mots et se débrouille bien à bavarder avec l'anglais (rens. Fons De Smet) et lui apprend que lorsque les Allemands trouvèrent son avion et qu’ils questionnèrent tous les villageois, tous répondirent qu’ils n’avaient rien vu. Il lui dit également qu’il avait été voir les dégâts provoqués par le mitraillage sur la route et vu quinze officiers allemands tués dans les deux voitures.
Renseignements reçus de Fons De Smet, neveu de Georges et René, et Yves Moerman, mari d'Anita VAN CAPPELLEN, fille de René : Le pilote "Chuck"  reçoit son "déguisement" de Georges VAN CAPPELLEN, qui après avoir caché l'uniforme dans un tas de trèfles piqué à la baïonnette par les allemands sans résultat, enterre ensuite de nuit cet uniforme dans un bois voisin de la ferme de son frère René à 100 m de la sienne.

De BleudeRoeck
      DE BLEU (flèche à droite)  © photo'Liefelijk Laar"2000      Georges et son oncle Joannes DE ROECK-60 ans-
                                                                                (propriétaire de la ferme) - 1950.   ©photo Fons De Smet
                                                                                                  
Franciscus, le père-68 ans            Georges-23 ans         René-21 ans  :   la famille VAN CAPPELLEN
Franciscus                    Georges Rene   © photos Anita Van Cappellen                                                                    
Earnhart a appris bien plus tard que, comme c’était toujours le cas lorsque des camarades d’escadrille voyaient l’un des leurs faire un atterrissage forcé et s’en sortir, des pilotes de son escadrille étaient revenus pour mitrailler son avion et le détruire… Malheureusement, lorsqu’ils arrivèrent, ils ne purent voir deux jeunes hommes curieux qui se trouvaient à ce moment près ou dans l’appareil pour récupérer l’une ou l’autre chose. Les deux garçons furent tués et lorsque quelques jours plus tard, Earnhart vit une procession d’enterrement sous les fenêtres de sa cachette, on lui dit simplement que c’était un décès dans le village, sans lui préciser de qui il s’agissait et ajouter à son stress.
avion-Laar
photo reçue de Y. Moerman, issue du livre "Liefelijk Laar" Ed.VTB-VAB Zems 2000
Les deux jeunes gens tués par les balles des spitfire avaient 24 ans.


Le soir, plusieurs voisins lui rendent visite chez les DE BLEU, apportant des victuailles. Le père d’Alphonse avait arrangé un rendez-vous avec la dame anglaise et elle arrive à 21h00 précises. Elle s’introduit comme étant Mme BELLINGSFORD, dont le mari ingénieur était retourné pour affaires en Angleterre juste avant l’entrée des Allemands en Belgique en mai 1940 et ne pouvait revenir en Belgique, tout comme elle ne pouvait le rejoindre dans son pays. Elle était active dans un réseau de renseignements et lui dit qu’elle ferait le nécessaire pour que la Résistance sache qu’il se trouvait là.
Dans son récit, Earnhart dit que deux jours plus tard (le 1er juillet) un jeune homme au nom de code "JOHNNY" dans la Witte Armee (Armée Blanche) arrive vers 21h00 en vélo à la ferme pour lui dire que l’organisation avait commencé à le rechercher quelques heures après son atterrissage mais que personne dans le village n’avait dévoilé savoir quelque chose à son sujet ni où il pourrait se cacher.
Après des adieux émouvants, Earnhart quitte la ferme à vélo avec JOHNNY, "JAN", un autre guide, les précédant en éclaireur.
Les trois hommes roulent pendant 8 km vers le Nord en direction de Malines, et passent devant la maison de Johnny avant de s’arrêter à un café à quelques pâtés de maison de là. JOHNNY dit au pilote de rester là avec JAN jusqu’à son retour. Lorsqu’il revient, ils prennent congé de JAN pour aller dans la maison de JOHNNY, où se trouvent deux évadés russes, l’un originaire de Stalingrad, l’autre d’Ukraine. Il apprend que JOHNNY est le chef d’une Section spécialisée dans le rapatriement d’aviateurs alliés nommée "The Service of London" dépendant des Services Secrets Britanniques.
Earnhart loge la nuit chez JOHNNY et le lendemain il accompagne celui-ci jusqu’à la Croix-Rouge et son guide lui dit qu’il sera pris en charge par l’équipe de la directrice jusqu’à son retour dans environ une semaine. Sans attendre, une jeune fille – "MARIE" - vient le chercher et, en s’assurant que personne ne les remarque, l’amène dans la maison où elle habite, une habitation occupée par des militaires allemands. Lorsque le pilote voit les noms des occupants affichés sur les portes, il s’inquiète, mais la jeune femme le rassure en lui disant que comme ces soldats ne rentrent que le soir pour y dormir, cette maison est inoccupée de neuf heures du matin jusqu’à six heures du soir et peut lui servir de cachette permanente pour autant qu’il ne fasse aucun bruit. L’astuce étant évidemment que la Gestapo ne ferait jamais des recherches dans cette maison-là… Après lui avoir apporté de quoi manger, puis lui avoir montré sa cachette dans le grenier, les provisions qui y étaient cachées, tous les recoins de la maison de même que tous les endroits par lesquels il pourrait s’enfuir, la femme prend congé de lui.
Earnhart vit là quelques jours, visité chaque jour par MARIE, qui en profite pour fouiller dans les papiers du Feldkommandant qui était chargé du recrutement de travailleurs forcés dans la région. Ainsi elle peut noter des noms et faire prévenir les hommes concernés, mais uniquement ceux qui sont actifs dans la Résistance, car prévenir tous les gens des listes aurait mis la puce à l’oreille des Allemands.
Un jour, MARIE lui donne des nouvelles de JOHNNY, qui se trouverait le lendemain matin dans le parc en face de la maison. Elle lui apprend également qu’à peine une heure après qu’il ait quitté la ferme des DE BLEU, la Gestapo s’y était présentée et avait emmené le fermier et son fils ALPHONSE pour interrogation à Malines. JOHNNY était fort inquiet car depuis lors il n’avait plus de nouvelles d’eux.
Le lendemain matin, MARIE s’assurant que la voie était libre malgré la présence d’Allemands dans la maison, en fait sortir Earnhart, qui marche vers le bas de la rue et est rapidement rejoint par JOHNNY sortant du parc. Dans le café du premier jour, JOHNNY lui remet de faux papiers qui l’identifient comme un employé habitant Malines et travaillant dans une agence de la Wehrmacht à Bruxelles… Il apprend aussi qu’Alphonse et son père, sérieusement battus lors de leur interrogatoire, n’ont rien dit et ont été finalement relâchés.
Le camion qui doit les amener à Bruxelles arrive à 08h00. Le véhicule est conduit par un soldat allemand, un officer étant en charge du convoi. Earnhart n’est pas à son aise et observe les autres passagers, des Belges travailleurs forcés conduits sur le lieu de leur travail comme chaque matin. Les passagers quittent le véhicule au fur et à mesure et le pilote et JOHNNY, qui travaille dans un atelier de réparation de locomotives dans un faubourg de Bruxelles, sont les derniers à le quitter, près de l’atelier de JOHNNY. Les deux hommes enjambent un pont et rentrent dans un café en face où les attend "JOSEPH". Les trois hommes prennent alors un tram vers le centre de Bruxelles où JOHNNY prend congé.
JOSEPH promène le pilote pendant trois heures dans le centre où il admire les façades et les monuments avant de le confier à un employé du Ministère des Finances, un autre "JOHNNY". Celui-ci le guide vers une maison à quelques pâtés de la Collégiale Sainte Gudule. La maîtresse de maison, FRANCES (?) est une dame d’un certain âge dont le mari a été tué en 1914-1918 et le fils fait prisonnier en 1940.
Le soir, un homme arrive. Il est juif Allemand, originaire de Dortmund et est également caché par FRANCES.
Earnhart arrive à EVA via Mme FRANÇOIS-DUMON. Selon des archives, il est hébergé par Melle HAESENDONCK du 29 juin au 09 juillet 44, puis par Yvonne BIENFAIT à Schaerbeek du 09 au 31 juillet 44 (le récit d’Earnhart ne confirme pas les dates…).
Earnhart poursuit son récit : Quelques jours plus tard, arrive "Monique" (Yvonne BIENFAIT), une jeune femme qui lui annonce qu’il sera déplacé vers une autre maison le lendemain. Elle lui demande de remplir un formulaire avec des détails sur son unité, etc, mais Earnhart refuse, voulant obéir strictement aux instructions : ne donner que son nom, son grade et son matricule. Comme il maintient sa position, Yvonne BIENFAIT n’insiste pas et lui dit alors qu’il rencontrerait "Gaston" (Gaston MATTHYS) le lendemain et qu’il devait se préparer à partir à 17h00.
Le lndemain, tout au début de l’après-midi, une dame arrive. Elle parle anglais sans aucun accent et déclare qu’elle est née et a vécu à Brooklyn, NY, qu’elle avait épousé un belge travaillant à l’Ambassade de Belgique aux Etats-Unis et qu’elle n’était en Belgique que depuis cinq ans.
A 17h00, Yvonne BIENFAIT arrive et lui dit qu’elle doit examiner tout ce qu’il y a dans ses poches avant qu’il puisse partir. Elle prend son kit d’évasion et ses plaquettes d’identification, lui laissant sa carte d’identité. Elle coud les plaquettes dans la doublure de son pantalon, juste en-dessous de la ceinture. MONIQUE et lui quittent alors la maison, prennent un tram qui fait presque le tour complet de la ville, en descendent et marchent environ 3km jusqu’à l’appartement de la femme, qui lui dit qu’il restera là avant de repartir le lendemain.
Gaston MATTHYS arrive à 9h00 du matin et insiste pour qu’Earnhart remplisse le formulaire. Comme le pilote refuse toujours, Gaston lui pose des questions auxquelles seul un véritable aviateur américain pourrait répondre et recommence une autre série de questions "anglaises" après qu’Earnhart lui ai dit qu’il avait volé dans la RAF également… Gaston, rassuré, lui dit que le Colonel HUBBARD (fiche A284) a logé dans ce même appartement et après deux heures de discussion les deux hommes sont convaincus que l’autre n’est pas un imposteur… et le pilote finit par remplir le formulaire.
MATTHYS autorise le pilote à rester dans l’appartement plus longtemps que prévu et un soir Yvonne BIENFAIT lui dit qu’il devrait aller dans une autre cachette, une réunion importante de son groupe devant avoir lieu chez elle, de même que des transmissions radio à destination de l’Angleterre. Ayant décidé de rester malgré les risques, il voit un défilé d’hommes apportant du matériel, suivis de l’homme chargé des transmissions. Son travail terminé assez rapidement, ce dernier s’en va et Earnhart aide Gaston MATTHYS à déconnecter les fils, puis à charger tout le matériel dans une voiture d’enfant au rez-de-chaussée, qu’emmène bientôt ailleurs un jeune couple arrivé entretemps.
Hébergé par Yvonne BIENFAIT à Schaerbeek du 09 au 31 juillet 44, Earnhart voit y arriver vers la mi-juillet, Tarleton (fiche D216). Durant leur séjour, les deux hommes se partagent les tâches ménagères, Tarleton s’occupant plutôt de la cuisine. Un soir, Yvonne BIENFAIT leur apprend qu’ils seront rejoints juste avant le couvre-feu de 22h30 par deux aviateurs de la RAF, avant que les quatre hommes partent dans la matinée pour un camp dans les Ardennes, leur séjour à Bruxelles devenant de plus en plus dangereux. En les attendant, Yvonne BIENFAIT et les deux américains s’affairent à laver et repasser des vêtements… et rouler une provision de cigarettes. A l’heure convenue, arrivent Ken Sweatman (fiche D213) et Dick, un irlandais de County Cork (Richard Irwin – fiche D120). Monique leur dit qu’un agent de la Gestapo passera le lendemain matin vers 07h30 pour les conduire à Namur puis à Dinant, d’où ils poursuivraient leur route à vélo en direction d’un endroit proche de la frontière française. Elle rassure ses interlocuteurs en disant que le gestapiste est aussi un agent des Services Secrets britanniques aidant efficacement la résistance.
A 07h30 l’homme apparaît, puis accompagne Yvonne, Gaston et les quatre aviateurs à une maison dans la partie sud de Bruxelles où Yvonne téléphone pour annoncer leur arrivée aux guides suivants devant les prendre en charge. Elle rejoint le groupe et leur apprend que seuls trois hommes pourront être de ce voyage et qu’Earnhart devra attendre le transfert de la semaine suivante. Earnhart prend congé des autres et rentre à vélo avec Yvonne et Gaston. Le dimanche suivant, Earnhart voit arriver Harvey Cox (fiche D047) dans la maison.
Avec Cox et Yvonne, Earnhart traverse Bruxelles à vélo pour atteindre la gare où ils prennent congé de Yvonne qui leur présente "Dorothy" Angèle LENDERS et Félix BECQUEVORT. Le groupe prend le train en direction de Namur puis Dinant.
Selon le récit de Earnhart, arrivés à Dinant, ils sont approchés par un homme qui leur apprend que l’endroit où ils devaient être cachés a été fouillé par la Gestapo, la propriétaire ayant été arrêtée (puis exécutée ultérieurement). On les oriente vers une église où se trouvent quelques résistants attendant des détails sur la situation avant de changer de planque. Vers 20h00, une gamine d’environ douze ans vient chercher Cox et Earnhart pour les conduire dans la grande demeure d’une dame de la noblesse, mère de deux enfants, dont la petite qui les avait escorté. Ils restent là pendant deux jours avant de partir à vélo, guidés par un jeune boy-scout. Ils dorment la nuit suivante dans une cabane de jardinier à quelque distance de la grand’route et se nourrissent du peu de légumes disponibles dans le jardin. Tôt levés le lendemain, ils prennent un rapide bain dans l’eau glacée d’un ruisseau proche et se restaurent rapidement de restes de la veille. Le parcours est ardu et les deux hommes mettent souvent pied à terre dans les montées ardennaises. L’après-midi, ils traversent un village grouillant de soldats allemands alors qu’ils ont perdu trace de leur guide. Exténués, ils s’arrêtent à un croisement, ignorant s’ils devaient tourner à droite ou à gauche en fonction de ce que le guide leur avait montré le matin sur une carte. Après quelques minutes, sans rien dire, un homme vient taper sur l’épaule de Cox, lui indique la gauche et finalement ils retrouvent leur guide un peu plus loin. Le voyage à vélo se poursuit, avec des montées de plus en plus fortes et de nombreux contrôles allemands auxquels ils échappent, et les deux hommes, fourbus, arrivent finalement à une ferme où le guide les quitte et leur présente deux résistants. Le lendemain, voyageant toujours à vélo, ils arrivent vers 18h00 à destination, dans une école catholique, "entre Bastogne et Libramont".
Ils y rencontrent Lincoln (fiche D144) et Goldfeder (fiche D084) avec lesquels ils partagent une grange à foin pour la nuit. Le surlendemain, les aviateurs reçoivent la visite du Baron "de Futlare" (vraisemblablement le Baron Charles du FONTBARÉ de Fumal), agent de liaison de Comète pour les camps Marathon - Service de Daniel ANCIA. Un grand blond barbu aux yeux bleus, le baron dirigeait un hôtel à Fumal et qui servait de QG au réseau. Ce soir là, il invite Cox et Earnhart pour un repas à l’hôtel où les convives sont surtout des agents de la Gestapo et des résistants chargés de les surveiller, Lincoln et Goldfeder étant prévus pour le même programme le lendemain. Le jour suivant, arrivent d’autres aviateurs parmi lesquels : Kasza (fiche D125), Hermanski (fiche D105), Dawson (fiche D051), Sherwood (fiche D199) et Mallett (fiche D153), ce dernier étant tout heureux d’entendre Earnhart lui dire que son co-équipier Sweatman est parvenu à s’évader et est lui aussi entre les mains de la résistance.
Le lendemain vers 04h00 on dit aux aviateurs qu’ils doivent quitter leur cachette vu le danger de patrouilles allemandes et ils suivent un garçon de 15 ans jusqu’à une ferme appartenant à un sergent de l’Armée Blanche. Ils passent la nuit dans une grange et ne peuvent retourner à l’école que le lendemain soir. Une nouvelle alerte les oblige à retourner à la ferme et le lendemain vers 10h00, leur guide leur apporte à déjeuner et leur dit qu’ils devront se diriger vers une meilleure cachette proche de la frontière française.
Le soir venu, accompagnés d’un prêtre (le Père Roger ARNOULD), leur marche commence dans une obscurité totale, à travers la campagne et des forêts jusqu’à ce qu’ils arrivent à proximité de leur futur asile. Après une nuit passée en forêt, ils atteignent finalement le camp d’Acremont (Luchy-Acremont), géré par Georges ARNOULD, dit "Albert le pâtissier, où Earnhart retrouve Tarleton, et Irwin revoit Sweatman pour la première fois depuis la chute de leur avion. D’autres aviateurs se trouvent déjà dans le camp et parmi eux Tuttle (fiche D225), Barton (fiche D011), Robertson (fiche D189), Western (fiche D239), Vozzella (fiche D233) et Davis (fiche D049).
La première cabane du camp, construite pour une dizaine d’aviateurs ne suffit pas et les jours suivants, les hommes participent à la construction d’autres abris, d’un coin « cuisine » (avec les cuistots Sweatman et Vozzella), aménagent un garde-manger et un endroit près du ruisseau pour faire la vaisselle et leur toilette. Un jour arrive Gaston, échappé de Bruxelles vu les risques d’arrestation. Après trois ou quatre jours, l’ordre arrive pour la vingtaine d’aviateurs de quitter ce camp pour faire de la place pour de nouveaux arrivants. Parmi ceux-ci, Earnhart se rappelle seulement un pilote de P-38 [vraisemblablement Hokinson (fiche D109)] et un pilote américain de P-51.
Leur étape suivante est un camp près de Neufchâteau (La Cornette) au sommet d’une colline juste au Nord de la Semois, tout près de Bellevaux et où Gaston les accompagne. Ils aident à la réalisation d’une cabane suffisamment grande pour les loger tous, de même que d’un réfectoire et d’un WC. Des villageois leur apportent de la nourriture et des nouvelles du front et les hommes sentent leur libération proche. De violents combats s’engagent à quelque distance du camp entre les forces allemandes et les maquisards. Gaston revient un jour du village avec des échos de la présence de troupes blindées américaines à Sedan. Un soir, un des villageois qui leur apportait régulièrement de la nourriture arrive avec un soldat du Commonwealth – Earnhart le décrit comme un "Punjab en uniforme britannique" – un homme de corpulence énorme, échappé d’une colonne de prisonniers escortée vers l’Allemagne par des soldats allemands en retraite, dont l’un d’entre eux accepta de fermer les yeux en échange d’un bâton de chocolat proposé par le prisonnier. Dans son récit, retranscrit par sa nièce Joyce, Earnhart le nomme "Ahmed Mahemett" d’origine arabe [Il pourrait donc s’agir du Mohammed/Mohamad Saleh (fiche D190) repris dans une liste des évadés Marathon/Ardennes et au sujet duquel rien n’avait pu être trouvé]. L’homme se révéla être un élément de poids pour aider au parachèvement des installations du camp.
Après quelques jours, le bruit des mitraillades se rapprochant, les hommes s’attendent à être incessam-ment libérés et le 8 septembre, Gaston, parti au village depuis quelques jours et qu’ils craignaient avoir été abattu, apparaît à l’entrée du camp, les mains en l’air, suivi par un soldat bayonnette au fusil… A cette vue, les évadés s’encourent dans toutes les directions, jusqu’à ce que le soldat leur crie que lui et ses compagnons sont américains… Les GIs, pensant à une ruse possible d’un collabo potentiel, n’avaient apparemment pas cru Gaston lorsqu’il leur avait dit que le camp servait de cache à une vingtaine d’aviateurs.
Les 22 aviateurs du camp sont transférés en camion vers Paris avec des prisonniers allemands. Le groupe se sépare avant que chacun rejoigne l’Angleterre.
Après son retour en Angleterre, Earnhart doit attendre six mois avant d’être autorisé à participer à nouveau au combat. Il effectue quelques missions au printemps 1945 au cours desquelles il abat quatre appareils allemands. Bien que son total ait ainsi atteint 8½, il ne se vit jamais octroyer le titre d’ "as", conféré à tout pilote ayant abattu cinq appareils ennemis. La raison : son score avait été atteint dans des armées de l’air différentes. Sa famille tenta de faire modifier cette décision, mais un incendie survenu en 1973 aux Archives Nationales américaines les empêcha de mener cette démarche à bien.
Charles Earnhart, d’un tempérament calme et modeste, ne fit jamais de déclarations désabusées à ce sujet.
Il est enterré au Swiss Cemetery à Hohenwald, Tennessee.
Merci à sa famille et notamment à sa sœur Doris Horner pour sa photo en uniforme et des informations sur son évasion.


Chuck Earnhart
Chuck Earnhart en 1944.


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